Keeping me alive (ft Ken)

Avec une certaine appréhension, tu regardais le fond du puits. Tu étais devenu un habitué du temple Higurashi. Bien plus qu’avant ta petite escapade au Japon Féodal. Tu fixais le néant qui semblait vouloir te happer, te faire sombrer dans un terrible cauchemar. Allais-tu réellement au devant de visions affreuses ? Tu ne savais pas. Tout ce que tu pensais savoir s’était envolé à la minute où tu avais fait un bond de cinq cents ans dans le passé. Quand Anka s’était confié de manière particulièrement douloureuse. Toi qui pensais qu’il te détestait profondément pour une raison débile, tu le comprenais un peu mieux maintenant. Tu avais été jusqu’à lui promettre de l’aider, de trouver une solution. Tu l’avais embrassé sous l’effet d’un poison étrange, et tu lui avais montré une douceur encore insoupçonnée. Pourtant, tu étais du genre à te dire que tu te connaissais bien. Anka avait eu l’air si fragile en cet instant, tu avais ressenti l’envie, non le besoin, de le protéger, de lui permettre d’avancer pour qu’il oublie cette rancoeur et qu’enfin il profite simplement de la vie.

À ces simples pensées, tes joues prirent une jolie couleur rose.

Tu ne te comprenais pas. Tu aimais ta tranquilité, ta vie dans le monde moderne, ton job de nuit, tes amis, tes séances sportives. Mais tout avait été balayé par ce voyage, par cette histoire que personne ne croyait à part ta cousine. Tu n’en avais parlé à personne. Après tout, qui t’aurait réellement cru ? Isuzu avait été contrainte de te croire, lorsque tu lui avais montré l’horrible cicatrice de ton dos, blessure gagnée grâce au sale caractère d’Anka. M’enfin, aujourd’hui, tu ne regrettais pas ton geste, et sûrement, que tu referais pareil. Ce que tu pouvais être con.

Un sac de randonnée sur le dos, tu t’apprêtais à sauter dans le puits depuis quelques minutes, sans pour autant avoir le courage d’agir. Tu allais revoir Anka. Peut-être qu’il t’attendait près du puits, comme une sorte de … D’ami ? Certainement pas. De protecteur ? Oui, pour pouvoir te bouffer ensuite. Tu n’arrivais même pas à savoir quelle relation vous entreteniez tous les deux depuis « ça », les choses étaient devenues compliquées. Alors certes, tu étais plus doué que lui pour cacher tes émotions du moment, pour mettre de côté le fait qu’il te perturbait, que sa beauté te transcendait mais …

Un léger sourire remonta la commissure de tes lèvres. Tu rougis encore plus.

Allez stop, on y va Ken. Petits mots murmurés comme un secret. Tu grimpas sur le bord du puits et sautas dans le vide. Pour la première fois depuis ton arrivée ici, tu le faisais avec une véritable intention d’y aller. Tu n’étais pas poussé par une voix étrange, ni même un Yôkai collé à tes basques. Tu y allais volontairement, avec toute ta conscience. Et cette conscience justement te criait que tu étais un peu masochiste. Tu savais pourtant à quoi tu allais te frotter ; un monde difficile, dénué d’une hygiène correcte, avec des étranges créatures qui dévoraient les humains à l’heure du petit déjeuner. Oui, tu étais sûrement un peu maso. Il n’y avait pas d’autres explications.

Dans ton sac, il y avait plusieurs choses ; une serviette de bain, une brosse à dents, un dentifrice. C’était le minimum que tu t’étais autorisé à prendre. Pour le savon, tu t’étais renseigné sur Internet pour en fabriquer toi-même. YouTube aidait grandement sur les ressources naturelles. De plus, tu avais envisagé des recettes on ne peut plus simples pour éviter de devoir chercher des plantes impossibles. Tout ceci était noté dans ce que tu avais nommé « le carnet de survie ». Il recelait de plusieurs petites choses qui pourraient te permettre d’être propre, mais aussi gérer d’autres choses, comme tes émotions, ou continuer tes entraînements d’arts martiaux. Tu en aurais certainement besoin.

Ensuite, il y avait une immense pochette pleine à craquer de papiers, contenant des informations et des gribouillis sur ta famille, tes ancêtres, tes origines. Tu n’avais jamais eu de réelles raisons de t’y pencher, alors ces derniers jours, tu avais juste mangé des heures de sommeil, tant l’histoire était passionnante. Tu étais loin d’avoir fini d’ailleurs, mais tu savais que tu pourrais rentrer à Tokyo à un moment donné pour continuer. Encore fallait-il que Anka te le permette. Au pire, tu lui balancerais une petite réplique pour le transformer en tomate et le tour serait joué.

En arrivant au Japon Féodal, tu sentis sa présence. Il n’était pas loin. En fait, il ne semblait jamais loin de toi à présent.


Avec tous les préparatifs, durant deux jours, tu n’avais pas eu une minute à lui accorder. Tu avais préparé tes savons, entre autre, pour anticiper le voyage qui vous attendait. Une fois que tu eus terminer une légère conversation avec Kaede, qu’elle te donna quelques conseils pour te défendre sans pour autant te filer une arme dans les mains, tu respiras un grand coup, prêt à aller dévoiler tes informations à ton acolyte double-face.

Tes affaires sur le dos, tu te sentais presque prêt à commencer un voyage périlleux. Psychologiquement, c’était autre chose. Tu redoutais les rencontres qui se feraient sur votre passage. Tu avais peur de ne pas suivre, d’être un fardeau, de devoir rentrer chez toi parce que tu n’étais pas assez fort … Waw, une minute. Depuis quand Ken, tu penses de cette façon ? Tu haussas un sourcil et passas une main dans ta chevelure blonde et rebelle, secouant la tête, las de tes réactions. Tu verrais bien, cela ne servait à rien de trop réfléchir.

En avançant vers l’emplacement d’Anka, tu entendis une douce mélodie survoler les nuages gris. Ton nez se leva vers le ciel, remarquant que la pluie allait tomber très bientôt, tu avais bien fait de t’équiper pour le voyage. Tu poussas un dernier soupir juste avant que tes pas ne s’arrêtent à hauteur du bicolore, tu l’observas quelques minutes. Ses yeux étaient fermés, son expression était si paisible que tu n’avais pas envie de le déranger. Cependant, vu la météo lourde au-dessus de vos têtes, il serait judicieux de se dépêcher et aller parler dans un endroit à l’abri.

Il ne semblait pas t’avoir entendu, chose étonnante vu qu’il avait de super facultés. Tu t’accroupis près de lui et penchas la tête sur le côté. « Oi. » Ta voix resta neutre alors que ton cœur se serrait, tu ressentais des choses étranges en sa présence depuis « ça » et tu n’arrivais pas à gérer cela. Par contre, avoir un visage imperturbable sur le moment, ça, tu savais faire. « Il va pleuvoir si tu continues de chanter. Regarde les nuages. »

Lorsqu’il prit conscience de ta présence, il parut surpris, mais pas que. Il ne semblait pas savoir comment réagir face à toi, et intérieurement, cela t’amusa un peu. Tu ne montras rien, tu savais qu’un sujet beaucoup plus sérieux vous attendait ensuite, et tu appréhendais un peu. Cet instant était un répit juste avant votre échange et sûrement votre départ. Tu t’étais préparé à cela, à une aventure imminente, à un voyage épuisant, à plusieurs jours de marche. De l’intensif. Tu n’avais pas vraiment peur de cela au fond, tu étais endurant, tu le savais, mais c’était tout le côté démoniaque et politique qui te gênaient le plus. Tu ne pouvais pas savoir sur quoi ou qui tu allais tomber. Fallait-il vraiment y penser maintenant ? Maintenant que tu avais fait cette foutue promesse, que la tristesse et la haine d’Anka t’avaient touché si fort …

Tu le fixais, la tête ailleurs, tout en essayant de rester concentré sur ses réactions, ses mimiques. Et ces dernières ne tardèrent pas lorsqu’il percuta sur le sens de tes mots. Tu ricanas un peu, le défiant du regard, sans rien répondre. Parfois, il n’y avait pas besoin de parler pour faire comprendre les choses. Tu te mis un instant à regarder le ciel. Qu’il chante ou non, c’était clair que vu les nuages gris foncés qui surplombaient vos têtes, il allait tomber un truc énorme. Une averse ou même carrément un orage. Tu détestais cela. Tu en avais une trouille monumentale, mais tu essayais de cacher ton appréhension en priant que cela n’arrive pas.

Tu ne manquas pas les rougeurs de ses joues, alors qu’il détournait le regard, avec un froncement de sourcils de gamin de dix ans. Tu te surpris à le trouver mignon, tout en balayant bien rapidement cette pensée de ton esprit. « J’ai entendu une sirène chanter. Ou peut-être qu’elle s’est échouée ici et que sa voix s’en est retrouvée brisée, tel un grincement. » Tu abusais mais tu aimais le mettre mal à l’aise, en le fixant avec un air taquin collé sur la face. Anka avait un timbre agréable, et cela ne te dérangerait pas de l’écouter de temps en temps. Tu n’étais cependant pas sûr qu’il referait une chose pareille vu sa réaction. Tu ne comprenais pas cette fierté qu’il avait, à toujours cacher son fond intérieur par une colère et une haine profonde envers n’importe quoi et n’importe qui.

Quelques minutes après, tu le vis joindre ses mains, allant jusqu’à entrelacer ses doigts, dans un geste que tu avais déjà vu. Chez de fervents croyants. Croyait-il à quelque chose ? Une entité supérieure capable de dominer par la peur, l’admiration, l’imagination ? Tu ne croyais en pas grand-chose, à part en toi-même, en ce que tu étais capable de faire, en ton pouvoir d’agir. Ça s’arrêtait là, à peu près. Tu sortis de tes pensées lorsqu’il se releva soudainement. Inconsciemment, tu fis de même, pour être à sa hauteur. Toujours. C’était un réflexe, ne jamais plier face à quelqu’un d’autre. C’était ce que tu avais appris.

Il prit son courage à deux mains pour affronter ton regard, t’affronter correctement, affronter ton visage, et tout ce qu’il lui rappelait. Tu détournas les yeux juste une seconde, sentant la pression qui venait de s’installer entre vous, pressentant la pluie qui allait se déverser avec violence sur le Japon Féodal. Tu avais prévu le coup, un parapluie était situé quelque part dans ton sac, là où tu pouvais l’attraper facilement, et sans trop te contorsionner dans tous les sens. Il vint alors te demander où est-ce que tu voulais te poser pour parler. Alors c’était sûr que ce serait mieux pour lui montrer tous les papiers, tout ce que tu avais trouvé au fil du temps, mais … Tu ne connaissais rien d’autre que Kamagoye, et tu n’étais pas certain que rester dehors soit une bonne idée.

Tu remarquas son ton froid et cassant, sa haine revenait au galop, alors que tu l’observais sans retenue, les deux sourcils froncés, en pleine réflexion. La meilleure des solutions serait de s’abriter, histoire que la conversation se fasse tranquillement, mais vu le ton d’Anka, les choses n’allaient pas être si faciles. « Il commence à pleuvoir, où veux-tu qu’on aille ? J’te signale que j’connais que le village moi. Alors décide. » Un soupire s’échappa de tes lèvres, alors que tu attrapais déjà ton grand parapluie transparent pour le déplier et le mettre au-dessus de ta tête. Tu n’allais quand même pas lui prêter, tu n’étais pas gentil à ce point. Et puis, il méritait.

Doucement, les gouttes tombèrent sur le plastique incolore du pébroc, alors que tes yeux se portaient vers le ciel. Tu étais protégé, tu ne craignais pas la pluie. Tu avais même tendance à l’aimer, mais ce monde n’était pas comme le tien. Tu ne pourrais pas prendre une bonne douche chaude après cela, tu ne pourrais pas si aisément changer de vêtements pour faire sécher les autres sur un étendoir. Tu n’aurais pas la possibilité de soigner toutes tes affaires comme tu le faisais habituellement. Tu étais en milieu sauvage, presque comme si tu faisais du camping, alors tu avais pensé aux meilleurs moyens pour rester un minimum propre et sortable. Perdu dans la contemplation des gouttes glissant sur les bords du parapluie, tu en oublias la situation, tes soucis, un petit sourire aux lèvres. Tu semblais béat, mais tu aimais la pluie.

Ta contemplation du ciel menaçant d’orages fut interrompue par le soupir d’Anka. Allait-il encore râler ou trouver quelque chose à redire sur le fait que tu ne connaissais pas les environs ? C’était vrai. À part la forêt des alentours que tu traversais pour aller au puits, la clairière de ce fameux puits dévoreur d’os, et le village de Kaede bordé par de nombreux champs et rizières, tu n’étais allé nulle part ailleurs. Alors autant lui demander à lui, qui a sans doute beaucoup plus voyagé que toi dans ce monde étrange. C’était toujours un peu bizarre pour toi, il te faudrait un peu plus de temps d’adaptation sans aucun doute.

Tu fixas alors ton regard sur lui, avec un air mi blasé, mi ailleurs, attendant son idée de génie pour vous abriter de cette pluie qui tombait de plus en plus fort, sans aller dans le village. S’il te proposait de vous abriter avec des feuilles, tu lui ferais probablement la peau. Sa réponse ne t’étonna pas plus que cela, mais renforça les traits blasés de ton visage, avec un léger mouvement des yeux vers le ciel, pour lui montrer qu’il n’était pas très intelligent.

Tu fronças les sourcils ; « des grottes » ? était-il en train de blaguer, de se foutre de toi ou quelque chose comme ça ? Tu soufflas, bien fort, pour qu’il t’entende. « Oi. J’suis humain, pas handicapé ou attardé ! Baka. » Tu avais la sensation qu’il te prenait pour quelqu’un de vraiment fragile, et cette sensation n’était pas agréable. Tu étais capable de courir, de marcher, d’escalader, de te battre. C’était sûr que face à un démon comme lui, tu n’avais pas forcément tes chances, mais il suffisait que tu travailles un peu plus tes réflexes. Tu pourrais au moins espérer esquiver quelques coups, et pas mourir bêtement.

Parler de ta mort aussi facilement était … Presque normal. Ça en devenait glauque.

Tu pensais cela, tout en lui suivant, protégé par ton parapluie transparent, prenant garde à l’endroit où tu posais tes pieds. Étrangement, il ne parlait plus. Il se contentait d’avancer dans une direction qu’il connaissait, tu le suivais docilement, sans rien dire. Tu te permis d’observer sa silhouette, en remarquant qu’il était tendu, quelque chose le tracassait. Il devait certainement se poser beaucoup de questions, mais il n’y avait pas à s’inquiéter. Tu avais trouvé de bonnes pistes, il pourrait au moins se concentrer dessus pour le moment. Pour la suite … Tu improviserais sûrement.

Avec le temps que vous aviez passé ensemble, tu n’avais plus peur de lui. Tu ne disais pas que lors d’une transformation, tes jambes ne trembleraient pas un petit peu, mais son apparence « humaine » n’avait plus rien d’effrayant. Tu l’avais déjà aperçu à s’énerver, ses yeux changeant en une teinte beaucoup plus bestiale, tandis que ses grognements remontaient de sa gorge. Lorsqu’il avait exterminé cette créature visqueuse par exemple. Tu te demandais si c’était un phénomène récurrent sur les Yôkai. Lors de l’utilisation des pouvoirs, y avait-il quelques modifications physiques ou physiologiques ? Tu réfléchissais, sans remarquer qu’il s’était arrêté.

Tu lui rentras dedans, faisant tomber ton parapluie sur le sol.

Tu pestas. « Eh oh, t’arrêtes pas comme ça double face ! » Tu bougonnas un instant dans tes moustaches inexistantes, et rattrapas ton parapluie, le repliant. Cela ne servait à rien de le déplier pour une seconde, étant donné que la destination semblait être juste à côté de vous. Sans entrer dedans, tu la regardas, laissant la pluie s’infiltrer dans tes cheveux, tes vêtements, ta peau. Tu levas les yeux vers le ciel, il menaçait de te faire peur, de te faire sursauter, et frissonner.

Tu essayais de ne pas y penser, et lorsque Anka entra dans la grotte, tu te sentis plus rassuré et le suivis. Il se posa sur le sol, trempé jusqu’aux os, il te fit un peu de peine sur le moment. Tu ne posas pas immédiatement tes fesses sur la roche froide, ton sac fut jeté par terre alors que tu commençais à fouiller dedans. Tu en sortis une petite serviette et lui balanças à la figure. « Tiens, sèche toi un peu. » Tu pensais toujours aux autres avant toi, c’était comme ça.

Malgré le fait que la journée n’en était qu’à son début, tu trouvais qu’il faisait sombre, et cela ne te rassurait pas. Le bruit de la pluie semblait lointain à l’intérieur de l’abri, mais dés que tu te rapprochais de l’entrée, c’était un vacarme terrible qui envahissait tes oreilles. Tu délaissas ton sac pour te poser contre une paroi, très près du trou béant. Tu aimais ce temps, mais pas si l’orage s’invitait sans ton accord. Tu n’étais pas en condition pour survivre, tu n’avais pas de musique, tu n’avais pas d’écouteurs, tu n’avais pas de couette pour te protéger … Pas sûr que ton sac de couchage te protégerait de quoi que ce soit.

Si tu avais su que tu serais bloqué dans une grotte, tu aurais au moins pris du bois avant qu’il ne pleuve, histoire de pouvoir faire un feu. Comment allais-tu survivre ? Tu ressentais déjà quelques frissons dans ton dos, le haut de ton vêtement, ainsi que tes cheveux étaient déjà bien mouillés. Tu poussas un soupir, croisant tes bras, posant ton épaule sur la roche, ainsi que ta tête.

Ton aventure commençait bien …

Il semblait quelque part dans ses pensées, perdu, tendu, anxieux. Tu ne savais pas pourquoi il stressait autant, mais ça commençait à déteindre sur toi. Toi qui absorbais les émotions trop fortes des autres si tu ne te protégeais pas un minimum, toi qui ressentais les sentiments puissants au point de les éponger sans être capable d’essorer le tout. Tu sentais tes muscles se tendre, ton cou te faire mal. Tu détestais Anka, quel imbécile.

Tu ne te gênas pas pour exprimer ta frustration et ton agacement lorsque tu entras en collision avec lui, le bousculant, perdant ton parapluie, bougonnant dans ton coin. Tu n’oublias pas de l’insulter de double face en passant, certain que ça le ferait réagir. Pas manqué. Il te répondit immédiatement. Un petit sourire naquit sur tes lèvres sans que tu n’enchérisses à nouveau. Sa voix s’élevant avec de l’énervement suffisait largement.

Tu pouffas de rire lorsque tu remarquas la mine outrée d’Anka après lui avoir littéralement jeter la serviette dans la tronche. Tu aimais te moquer de lui, tu savais que tu allais récolter une remarque désagréable, mais alors sa tête … Tu n’en espérais pas autant. Tu gravas sa face de cake dans ton esprit, pour ne pas l’oublier, et un jour, la dessiner.

Tu t’étais ensuite un peu plus éloigné, tu n’avais pas envie de rester bloqué sur Anka qui allait se sécher. Tu n’étais pas certain que ce soit bien intéressant, alors tu avais simplement regardé l’extérieur de la grotte. Les gouttes se déverser avec colère sur la végétation alentour. Comme si elle méritait d’être punie. Ou bien était-ce l’humanité qui devait être punie ? L’humanité et le monde démoniaque bien sûr. Puisque les deux allaient de paire. Tu te demandas alors si un démon était capable de faire tomber une pluie si forte, s’il existait des entités capables de contrôler la météo de tout un pays. Tu étais encore une fois perdu dans tes pensées. Ta petite escapade à Tokyo t’avait permis de te poser, et ainsi ouvrir ton esprit sur le monde qui t’avait accueilli à l’improviste.

Beaucoup de questions restaient en suspens.

Tu es violemment sorti de tes pensées avec une serviette humide balancée sur ta tête. Tu la rattrapas dans un réflexe habile avant qu’elle ne glisse de tes cheveux sur le sol. Tu le regardas alors d’un air agacé. Tu allais balancer une réplique toute faite, déjà construite dans ton esprit, mais Anka était torse nu. Tes joues rosirent légèrement sans que tu ne daignes détourner le regard. Tu voulais profiter de ce que tu avais sous les yeux, sensible à la beauté des gens, des paysages. Anka était terriblement beau. C’était peu dire. Mais cela … Tu ne le lui répéterais jamais. Pas une nouvelle fois en tout cas.

Tu suivis alors ses mouvements des yeux, passant machinalement la serviette sur tes cheveux pour les éponger un peu. Tu ne te rendais pas vraiment compte de tes gestes, tu les faisais, parce que tu avais l’habitude. Parce que tu n’aimais pas avoir la nuque mouillée, des gouttes tombant de tes mèches lissées à cause de l’eau qui rendait ta chevelure trop lourde.

Il s’approcha de toi, leva la main pour faire danser une légère flamme dans le creux de sa main. Tu ne pouvais quitter le regard d’Anka des yeux, le léger feu faisant briller ses yeux, illuminait son visage d’une manière magique, presque surnaturelle. Sa beauté l’était tout simplement, comme sortie tout droit d’un manga, il parvenait à te perdre. Juste en le contemplant. Une cicatrice, non une brûlure n’irait certainement pas enlaidir cette beauté rare, c’était un fait. Alors tu continuais de le déshabiller des yeux, tu ne cillais pas, tu étais complètement adsorbé.

Les frissons arrêtèrent lentement de te faire trembler, la douce chaleur se répandant avec douceur dans ton corps. Son attention te touchait tout particulièrement, tu n’étais certes pas insensible à sa beauté, mais ses petits gestes tendres ne te laissaient pas indifférent non plus. Un petit sourire coquin se forma sur tes lèvres. « Tu es bien audacieux aujourd’hui. » Mais ce sourire mourut rapidement. Trop rapidement. Lorsque le ciel gronda.

Tes yeux s’écarquillèrent de stupeur, tu étais droit comme un I, ne bougeant absolument plus. Ton souffle avait été coupé, tu étais perdu dans les yeux d’Anka. Tu ne voulais pas lui avouer que tu avais peur de l’orage, il irait encore te critiquer. Mais la situation n’avait rien de rassurant. Tu étais dehors, dans une grotte, dans le froid, mouillé sur toute une partie de ton corps, tu étais en quelque sorte à découvert. Tu n’avais pas de musique à mettre à fond dans tes oreilles, tu n’avais rien. Tu étais terrifié.

Lorsqu’un éclair tomba sur la terre ferme, tu serras les poings, baissas la tête. Tu prenais sur toi, mais les grondements se rapprochant … C’en était trop pour toi. Tu te laissas glisser contre la paroi rocheuse, fermas les yeux de toutes tes forces et déposas tes mains sur tes oreilles. Tu devais ressembler à un petit garçon de cette façon, mais c’était ta manière à toi de te protéger. Cela avait toujours été comme ça. Tu ne te souvenais plus combien de fois tu avais pris cette position pour ne plus entendre, ne plus voir. Ne plus sentir.

Les cris. Les insultes. La méchanceté gratuite.
Leur visage rouge de honte et de colère. Leur déception. Leur dégoût.
Les coups de poing, de pied, de bâton …

Une nuit particulièrement violente, où le tonnerre était venu accompagner le tout par son grondement et les lumières aussi fortes que des flashs devant tes yeux.

Tu ne voulais pas faire ça devant lui. Tu ne voulais pas te souvenir de tout ça maintenant. Anka allait se moquer de toi, c’était certain. Tu avais envie de l’envoyer bouler plutôt que de te renfermer sur toi-même. Tu le fixais sans réellement le voir, ses yeux avaient changé d’émotion, mais ce n’était pas quelque chose que tu pouvais voir comme ça. Parce que sur le moment, tu étais retourné à cette époque-là. Sur un moment de ta vie que tu voulais oublier. Tu pensais que tu étais passé à autre chose, mais la musique, les volets fermés et une bonne couette étaient les seuls moyens pour toi de ne rien entendre, ne rien voir.

Tu te laisses glisser contre les parois rocheuses de la grotte. Le flash de l’éclair tombé non loin, celui qui avait illuminé toute la grotte … Il t’avait rendu fragile. Il t’avait paralysé. Tout ton corps hurlait de peur, tu essayais de tout canaliser, ne rien montrer. Anka pouvait bien disparaître que cela t’était égal. Il pouvait bien te parler, tu n’entendrais rien, parce que tu ne voulais rien entendre. Qu’il se taise, qu’il s’en aille, tu ne voulais pas qu’il te voie ainsi. Ce n’était pas toi, ce n’était pas le Ken assuré qu’il avait déjà vu. Tu serras les dents, tu te mis à te maudire. Te détester.

Toutes ces images qui te revenaient en tête. Ces grondements sourds qui provoquaient des vibrations dans ton dos. Cette lumière aveuglante qui s’était faufilée. Tu tentais de te reprendre, mais tu ne pouvais plus rien faire. Ton corps tremblait comme une feuille, et ce n’était pas seulement le froid rongeant ta peau qui te rendait comme ça. Les souvenirs. Les nombreux cauchemars que tu avais réussi à faire fuir avec le temps. Tout revenait. Pourquoi maintenant ?

Pourquoi aujourd’hui ? Avec lui dans les parages.

Tu sentis une pression sur ton épaule, et ta réaction ne se fit pas attendre. Tu te figeas, de stupeur. Tu relevas vivement la tête, les yeux écarquillés au possible, une frayeur sans nom dans le regard. Tu remarquas deux prunelles de couleurs différentes, une brûlure, des cheveux bicolore. Sa tronche double face. Tu plissas désespérément les yeux en entendant ton prénom et tu attendis la suite. Une suite qui mettait du temps à arriver. Cela te laissa quelques secondes de retrouver tes esprits, pour faire la part des choses. Le simple contact de la peau d’Anka sur ton épaule avait diffusé une chaleur rassurante.

Il n’avait pas envie de se moquer. Il cherchait des mots, tu ne savais lesquels, mais il semblait sincère dans sa démarche. Il était difficile de le comprendre parfois, surtout lorsqu’il passait son temps à te crier dessus, à rougir lorsque tu le taquinais, ou bien à se perdre dans ses pensées sans oser dire quoi que ce soit. Comme juste avant. Pendant que vous marchiez dans la forêt. Quelle idée, tu irais lui faire la remarque plus tard tiens.

La surprise put se lire dans tes yeux lorsque tu entendis finalement ses mots hésitants. Tu ne savais comment réagir, quoi dire, quoi lui répondre. Tu ne t’attendais pas à cela, il te prenait vraiment au dépourvu. Faire quelque chose pour toi ? Il avait envie d’agir pour ton bien ? Tu laissas ton regard se perdre sur le sol de la grotte, tout en repassant en boucle ses propos, ce qu’il venait de dire te touchait beaucoup plus que ce que ça aurait du. Un nouveau grondement te fit frissonner avec violence, remontant un sentiment qui te donnait envie de vomir.

Toujours accroupi, tu te tenais à présent le ventre, un malaise continuait de s’installer en toi. Tu poussas un léger soupir, pour espérer aller mieux. En vain. « Si tu as un pouvoir sur la météo, arrête cet orage et ces éclairs. » C’était un ton ironique, presque mauvais, parce que tu savais qu’il n’en était pas capable. Si tel était le cas, tu l’aurais déjà vu faire non ?

Tu respirais avec difficulté même si tu essayais de rester calme. Tu te redressas légèrement, le bras toujours sur le ventre, pour t’éloigner de la sortie de la grotte, pour te blottir un peu plus loin. Tu jetas un œil discret à Anka, qui était resté là-bas. Tu ne voyais pas son expression, tu ne savais pas à quoi il pouvait penser. Tu venais de rejeter son aide ? En quelque sorte. Tu avais un sale caractère parfois, et lorsqu’il s’agissait de te défendre, de te protéger, tu pouvais être cassant, blessant. Tu rejetais n'importe qui. Anka venait d'en faire les frais. Cependant, ses attentions t’avaient tout de même atteint et attendri. Le feu pour te réchauffer, la main sur ton épaule et sa voix douce, rassurante.

« Anka. » Ta voix s’éleva avec hésitation, la grotte vide et presque silencieuse permettant un doux écho de son prénom. « Peux-tu … Venir près de moi ? » Tu détournas bien vite le regard de sa personne, tu t'aperçus que tu le fixais avec une lueur et des pensées étranges. Tu remontas tes genoux vers toi, passas tes bras autour, et embarrassé, tu prononças quelques mots avec une timidité que tu ne te connaissais pas. Tu n’étais pas certain qu’il les entendrait mais ce n’était pas forcément nécessaire.

« J’ai froid, et je ne veux pas rester seul … Pas maintenant … »

Ce ne fut qu’après avoir prononcé ces mots que tu te rendis compte de la cruauté de ta demande. Comment pouvais-tu lui dire une telle chose ? Cela ne te ressemblait pas d’être si agressif dans tes propos. Lorsqu’il démarrait les hostilités avec des phrases désagréables sur ta condition humaine, bien sûr que tu répondais, mais tu n’étais pas aussi acerbe. Une chamaillerie était une chamaillerie, peu importe sous quel angle on la regardait. Tu t’en mordis les doigts, tu culpabilisas tant que tu n’osas plus le regarder. Tu étais entre deux feux ; la gentillesse perturbante d’Anka et tes émotions devenues trop fortes, trop envahissantes. Tu voulais le faire fuir autant que tu souhaitais qu’il continue de toucher ton épaule en essayant de te réconforter.

Dire que son geste ne t’avait pas brutalement ramené à la réalité était faux. Cela t’avait fait peur, parce que dans une terreur du passé, on t’avait trop souvent violenté. Tu essayais malgré toi de chasser ce sentiment d’oppression qui s’installait en toi, qui te donnait envie de vomir. Les grondements incessants de l’orage ne t’aidaient pas à te calmer, mais tu ne savais comment calmer tout ceci. À part, peut-être, t’éloigner de l’entrée de la grotte. Histoire de ne pas paraître masochiste non plus.

Alors tu te levas, marchas pour t’enfoncer dans l’obscurité de la grotte. Si elle avait pu te faire peur au premier abord, à cet instant, elle te paraissait comme une douce caresse comparée à ce qui se tramait en dehors. Tu te posas alors, encore le bras au travers de ton ventre, le malaise était toujours présent, mais tu semblais te libérer au fur et à mesure que les minutes passaient. Tes pensées étaient doucement envahies par la chaleur d’Anka, par sa douce voix, par ses attentions purement adorables. Ton coeur rata un battement ou deux en y pensant, et l’idée de l’avoir tout simplement ignoré te blessa. Tu voulais te frapper pour lui avoir fait ça.

Anka se dévoilait un peu plus tous les jours.

Ta voix transperça le silence pensant, pour l’appeler, pour lui demander avec tout le courage dont tu étais capable s’il pouvait venir près de toi. Tu gardas ta tête enfouie dans tes bras, même après lui avoir posé la question. Tu avais peur de l’affronter, tu ne voulais pas voir l’expression sur son visage, et tu n’étais pas prêt non plus à l’entendre te refuser quoi que ce soit. Tu t’en retrouvais profondément blessé. Tu ne savais pas quelle pourrait être ta réaction en fait. Tu ne voulais l’imaginer.

Tu ressentis une présence auprès de toi, et tu relevas doucement la tête vers lui, pour lui jeter un coup d’oeil. Tu n’osais pas, mais lorsque tu le vis embarrassé, calme, sans avoir de répliques énervantes à te balancer, la pression sur tes épaule s’allégea. Avec toute la discrétion dont tu pouvais faire preuve avec Anka à côté de toi, tu l’observais. Sa brûlure visible, cette horrible peau devenue un mélange de rouge et de violet, entourant son œil, marquant sa peau avec une terrible violence. Tu te demandais comment il l’avait eu. Si son œil cyan était naturel ou si cette brûlure l’avait causé. Encore une fois, tu te perdais dans la contemplation de son visage, de ses traits surnaturels.

Tu relevas la tête, intéressé par le ton qu’il avait pris. Il semblait avoir une idée, quelque chose derrière la tête et cela te rendait curieux. Bien plus que tu n’oserais l’avouer. Tu détachas alors ton regard de son visage pour le porter sur ses flammes dansant dans sa paume. Tu attendais ce qu’il voulait faire. Il te demanda de regarder, ce que tu faisais déjà, tu étais concentré. Comme jamais tu aurais pu l’être auparavant.

Dans les flammes, apparut alors un dragon.

Tes yeux s’agrandirent, émerveillé par ce qu’il était capable de faire. Par le spectacle miniature qu’il t’offrait. Tu en oublias le reste, tant tu étais ébahi par ce qu’il te montrait. Et puis, tu le vis essayer de faire quelque chose, sans pour autant y arriver vraiment. Ce fut donc avec une certaine fierté dans la voix et dans les yeux qu’il t’annonça que la forme qu’il avait faite, c’était toi. C’était censé être toi, cette forme avec des épis partout ? Tu haussas un sourcil, le fixa quelques secondes, plusieurs minutes, sceptique, mitigé.

Et puis, tu éclatas de rire. Un rire qui s’éleva dans la grotte, jusqu’à en avoir des milliers d’échos. Un rire qui te fendit le ventre d’une toute autre manière que ta précédente envie de vomir. Un rire qui te fit rapidement mal aux zygomatiques. Un rire qui fit monter les larmes à tes yeux. Tu étais touché. Terriblement. Tes joues prirent une teinte inhabituellement rouge alors que tu regardais encore ce petit bout de feu dans une forme étrange. Tu te calmas après cinq bonnes minutes à rire comme un débile tout seul.

« Alors c’est ainsi que tu me vois ? Comme une chose non identifiée avec des épis sur la tête … » Tu fis une petite moue faussement déçue, mais finalement, le fixas avec sincérité, un sourire bienveillant et reconnaissant sur les lèvres. Un vrai sourire. « T’es un génie, Anka ! »

Ces petits instants te faisaient du bien. Mais aujourd’hui, c’était différent. C’était Anka qui avait fait un pas vers toi, qui souhaitait t’aider. Cela faisait battre ton coeur dans ta cage thoracique, plus vite que d’habitude. Tu n’avais jamais connu un tel sentiment, tu ne savais pas ce qu’il se passait, ni même pourquoi il te chamboulait à ce point. L’observant toujours, tu ne t’étais pas rendu compte que tu posais sur lui un regard étrange. Tu délias alors tes bras, pour que ta main vienne toucher son visage, la face opposée à celle qui était brûlée. Tu ne savais pas quoi dire, ton coeur avait simplement besoin de s’exprimer un instant, et tu ne faisais pas réellement attention à ce que tu faisais.

Il était rare que tu ris de cette façon. Que tu laisses ta joie s’exprimer aussi clairement, aussi fort, aussi naturellement. Personne ne t’avait entendu. Personne ne connaissait ton rire aux éclats, pas même ta cousine. Tu étais toujours dans la retenue. Toujours. Depuis cette transition vers un corps qui te représentait le mieux, tu n’avais pas osé exploser de rire comme tu venais de le faire. Parce que tu avais toujours été complexé par ta voix. Depuis gosse, tu avais du mal à parler. Durant ton adolescence, cette gêne s’était grandement accentué, tu avais juste arrêté de rire et sourire pour te cacher derrière un personnage qui râle tout le temps, qui n’est jamais content, et qui en a après la Terre entière. Voilà ce qu’il se cachait sous la carapace de Ken ; un rire chaleureux. Une personne empathique, sensible et adorable.

Tantôt tu essayais d’essuyer les larmes qui coulaient de tes paupières closes, tantôt tu tenais ton ventre qui te faisait mal. Tu sentis un léger planement dans ton esprit, comme si tu allais tomber dans l’inconscience d’un moment à l’autre. Une émotion trop forte allait te tuer en un clin d’oeil. Non, tu te sentais bien, comme si quelque chose de doux se propageait à l’intérieur de toi. Une douce chaleur. Oui, tu avais chaud, de ton rire, de voir ce qui était censé être toi.

Anka avait un don particulier sur toi.

Tu t’arrêtas tant bien que mal au bout de quelques minutes. Après un fou rire pareil, tu te sentais flotter sur un petit nuage, c’était une étrange sensation, mais pas désagréable. Tu l’observas un moment, pour lui demander si c’était ce qu’il pensait de toi. Une vague forme avec des épis. Tu le remarquas un peu confus, tu ne savais pas exactement pourquoi il était ainsi, mais tu en pris note. Tu aimais bien le regarder, autant pour imprimer ses expressions dans ta mémoire, que pour essayer de le comprendre.

Il détourna le regard, ses joues rougirent, sa flamme vacilla un instant. Ce fut léger, comme une brise dans la grotte qui viendrait le déconcentrer. Pourquoi était-il ainsi ? Tu entendis son embarras dans sa voix mais n’y fit pas plus attention. Son visage était d’une incroyable beauté, tu étais attiré, sans trop savoir pourquoi. Tu n’avais jamais ressenti cela pour qui que ce soit auparavant. Et surtout pas pour un homme. Tu n’étais pas fermé, loin de là, mais ton approche des hommes était … Différente. Presque interdite, vu ta situation, vu ton corps. Tu t’étais toujours interdit de les séduire, de t’en approcher, cela te faisait peur. Tu avais l’appréhension de ne pas être pris au sérieux, sur le moment venu. Anka ne connaissait pas tout ça, non, il n’était pas de ton monde. Pour lui, ça devait être impossible, impensable.

Ta main toucha la peau de sa joue, sans que tu ne fasses réellement attention.

Ses yeux rencontrèrent les tiens, ceux-ci teints d’un étrange sentiment. La lueur qu’ils dégageaient était extrêmement douce, presque … Amoureuse. Tu ne savais pas pourquoi cette main restait sur son visage, caressant machinalement sa peau de ton pouce. Tu avais envie de t’approcher de lui. C’était étrange comme sentiment, de vouloir le connaître, de vouloir l’aider, d’avoir cherché tellement d’informations pour lui, pour sa quête de … Vengeance.

Il se recula de toi en rougissant brutalement, postant une main devant son visage. Tu écarquillas les yeux, surpris. Par sa réaction. Par tes sentiments. Par ce qu’il venait de se passer. Tu ne t’étais pas rendu compte de votre proximité, de ton geste, tu repris ta main, et détournas toi aussi le regard, pour te remettre dans ton coin. Tu regardais ta main, celle que tu avais posé sur sa joue, comme si elle était possédée. C’était plutôt ce qu’il se passait à l’intérieur de toi que tu ne comprenais pas. Tu étais perdu. Totalement paumé.

Ce qu’il te prenait ? Tu n’en savais foutrement rien.

Tu ne savais plus quoi répondre, tu n’avais tout simplement plus les mots pour lui répondre. Tu étais perturbé, tellement confus, que ta voix avait déserté. Tu n’eus pas le temps de te morfondre longtemps, de réfléchir avec intensité qu’il revint près de toi. Tu n’osais pas le regarder, de peur de dérailler encore. Tu étais reconnaissant qu’il revienne, sa chaleur t’était agréable, autant que sa flamme disparue. Avec des gestes calculés, presque hésitants, tu pris la serviette glissée sur tes épaules pour sécher un peu tes cheveux. Tant que tu pouvais faire un truc pour détourner tes réflexions, cela t’allait largement. Il brisa le silence installé depuis trop longtemps, il essayait encore de faire diversion, t’évitant de devoir réfléchir à comment briser la glace à nouveau. Il était si attentionné aujourd’hui, tu te demandais pourquoi il agissait de cette façon avec toi, alors que quelques semaines auparavant, il disait vouloir te tuer lui-même.

Tout naturellement, tu retiras à ton tour ton t-shirt, pour espérer qu’il sèche un peu, le temps que la tempête se termine. Tu fis rouler tes épaules, mouvant par la même occasion ton corps musclé pour le détendre un peu. Tu essuyas avec la serviette humide qu’Anka avait utilisé ta peau, qui frissonna. « Tu as déjà fait ça avant ? Faire des formes avec le feu. » Tu ne le regardais toujours pas, faisant semblant d’être occupé avec ton essuyage corporel.

Pour le moment, ne plus le regarder te semblait être la meilleure des solutions pour gérer le flux de tes émotions.