Océloth (terminé)

CARACTERE

En soi, Océloth n'est pas foncièrement mauvais. C'est un vieux ronchon dans un corps de jeunot, du genre à repousser tout le monde et n'importe qui par peur de s'attacher plus que par réelle envie de s'isoler. S'il est devenu aussi chaotique c'est parce qu'il s'agit d'un moyen facile d'extérioriser ou de se faire remarquer. En fin de compte... c'est davantage un gros frustré glacial assoiffé de destruction pour la destruction. Non pour réellement prendre des vies. Plutôt pour voir s'écrouler le monde sur lui même. Il y trouve un spectacle nostalgique, voire théâtral, en un sens. Inconsciemment il y voit aussi une symbolique de sa propre condition. Il perpétue le geste dans le vain espoir de finir par résoudre ses problèmes existentiels.

Par ailleurs, sa mémoire sélective ne semble retenir que le pire: à défaut d'être capable de se rapprocher de l'humanité il s'enfonce dans le rôle de l'immondice difforme avide de richesses, babioles brillantes, ou d'envies de broyer de pauvres hères venus se perdre dans les eaux qu'il hante. Qu'est-ce que la haine après tout? Un savant mélange d'émotions contradictoires. Une passion à mi-chemin entre le "je t'aime tellement que je souhaiterai t'offrir le monde si tu en voulais" avec un "je te tuerais tellement tu me dégoûte". (ceci dit, avec lui l'inverse fonctionne aussi: "je t'aime tant que je te boufferais" / "je te déteste au point de préférer te savoir en train de supporter le fardeau de la vie")

Seul, il se morfond inlassablement. Côtoyé, il se retient difficilement d'écraser la moindre lueur de vie contre son coeur figé. Ce paradoxe traîne, tourne dans un cercle vicieux comme un disque rayé usé. Le même refrain se répète par vagues depuis des siècles. Ironiquement, il s'y noie par choix.

* négligé - fatigué - terne - lâche - distant - laconique - égoïste - médisant - intéressé - romanesque - passionné - flexible - habile - honnête - patient - observateur *

PHYSIQUE

Océloth_ créature infernale à demie pieuvre, on pourrait aisément le comparer au mythique Kraken. Un monstre sombre dont la première moitié à peine humanoïde est couverte d'un épais cuir noir aussi lisse que celui d'un serpent. Un visage discret particulièrement pâle est à peine discernable au centre d'une chevelure blanche désordonnée et tentaculaire. Ses yeux gris-blanc quant à eux, sont généralement à demi clos. A partir des hanches ne reste que l'immense pieuvre noire à la force démesurée. Sous forme de monstre il mesure à peine cinq mètres de hauteur (4,86 exactement). Son buste reste aux mêmes proportions qu'en étant humain.

Il va s'en dire qu'en tant que créature des eaux sa vue s'en est retrouvée atteinte: sa légère myopie est toutefois compensée par le développement de ses autres sens. Notamment sa perception, plus que son ouïe. De surcroît ce nageur hors pair ne trouve pas son égal dans les profondeurs. Il y mène son existence depuis plus quasiment trois siècles après tout...

Véritable monstre flasque de surcroît, Océloth a apprit à disloquer ses membres pour se glisser dans des interstices trop étroits. Il prend un peu de temp à remettre l'ensemble de ses articulations en place, mais quasiment sans douleurs. A l'inverse lorsqu'il reprend forme humaine il doit prendre le temps de se rigidifier, par rapport à sa condition habituelle sous pression aquatique.

L'humain_ sur terre il apparaît comme un homme lambda vêtu d'un costume d'un autre monde. D'apparence moins débraillé que sous l'eau -ou en surface-, il s'affaire à passer inaperçu à l'aide d'illusions concrètes reposants sur l'image qu'il renvoie de lui. En s'appliquant à s'entourer d'humains de toutes sortes, en se lançant dans des activités jugées acceptables, il s'est forgé une double existence ainsi qu'une réputation nuancée pour mener chacune d'elles comme il l'entend. Abominable horreur de l'océan de jour, Homme respectable les nuits durant lesquelles il se permet de quitter les eaux.

La lumière ne l'atteignant quasiment jamais, ce fait explique la pâleur extrême de sa peau même sous forme humaine. La moindre source de chaleur trop importante le dérange. En conséquences de quoi le démon bois très régulièrement tant qu'il est sur terre ferme.

SOUVENIRS PERDUS

Océloth perçoit sa propre existence à travers un filtre flou (il est un poil miro certes, mais pas seulement). Son lointain passé demeure fragmenté. Certains morceaux se sont éparpillés ça et là à travers l'histoire pendant qu'il en oubliait délibérément d'autres. Le temps dans son esprit, est distordu. Pour peu qu'il se recroqueville en suspend dans le fond de l'Océan il aura l'impression que les heures se changent en secondes. A contrario à la surface, il vit l'écoulement du temps plus "normalement". Néanmoins selon son état d'esprit ces deux tendances peuvent s'inverser aisément.

* Peu instruit, il tient sa sagesse de ses expériences, son vécu, ses observations, ainsi que son entourage limité. Sa capacité à dialoguer lui vient d'un long apprentissage personnel. Il favorise la gestuelle, d'ordinaire.
* Il perçoit ses difficultés et sa monstruosité comme l'oeuvre d'une malédiction qu'on lui a injustement jeté il y a plusieurs siècles. Ce qu'il croit être une malédiction l'empêche justement d'émerger le jour. Il se retrouve incapable de maintenir sa forme humaine si il ne se rend pas sur terre ferme de nuit.
* Ses parents étaient deux yôkais repentis. Ils cherchaient à mener une existence tranquille en remplaçant une famille humaine anéantie jadis par leurs pairs. Ils ont asséné à leur progéniture qu'il ne serait jamais un monstre et qu'ils en feraient un parfait model humain. Océloth s'est évertué à suivre leurs préceptes, lesquels pouvaient parfois s'avérer strictes. Il n'en garde de souvenir que leurs qualités et a entièrement rejeté la provenance de ses malheurs à la sorcière qu'il a tuée maladroitement il y a longtemps.
* Océloth conserve ses vêtements dans une bulle d'air comprimée dans une crypte. Imprégnés par l'odeur océanique, ils restent toutefois bien entretenus et conservés. Il les préserve surtout par principe parce que ces tissus sont les vestiges de son ancienne vie.

CA : Maelström
N'étant pas emprunt d'un pouvoir important, le démon s'appuie davantage sur sa force ainsi que son habileté à générer des courants par ses déplacements rapides. Ses tourbillons n'égalent pas ceux naturels de l'Océan mais ils lui permettent tout de même de neutraliser les mouvements de ses rares ennemis aquatiques. Ces derniers peuvent littéralement se retrouver aspirés vers les fonds océaniques comme dans une cuvette (cette dernière ne mesure pas plus de 4 mètres d'envergure). Ses maelströms cessent après une dizaine de secondes s'il cesse de les entretenir.
> Il peut en créer jusqu'à trois avant de s'épuiser totalement si il les maintient moins d'une minute. Au delà de deux minutes, seulement deux. Au delà de cinq minutes, un seul. Il lui faudra un long temps de repos après coup.

CA : Alignement des profondeurs
Un hurlement puissant capable de mettre au pas les créatures aquatiques les plus impressionnables et faibles des environs (champ d'action réduit à une centaine de mètres autour de lui). Océloth les considèrera comme un rempart, ou.. de la chair à canon. Une énième défense et gêne pratique. L'effet de peur/contrôle varie de plusieurs secondes à deux courtes minutes dépendant du type de créature venue à lui. C'est la raison pour laquelle il doit donner un ordre dans l'immédiat afin qu'il soit exécuté directement.
> Il ne peut jamais utiliser cette capacité plus d'une fois dans une même zone et jamais à des intervalles de moins d'une heure.

CP : Malédiction de Lune
Son incapacité à préserver sa forme humaine de jour. Dès qu'il entre en contact avec une source d'eau importante il reprend systématiquement son apparence monstrueuse. Il se rend très rarement sur terre ferme.
> En contrepartie il supporte aisément de très fortes pressions ainsi que les attaques contondantes. En revanche il reste très vulnérable à la chaleur ainsi qu'aux attaques tranchantes et d'estoc.

Armes :
- Une lance sombre (volontairement ternie pour éviter de potentiel reflets) affutée imprégnée de magie électrique dont il n'a l'usage que pour éloigner les créatures qui se risqueraient à l'approcher. Un misérable coup de jus dissuasif, pas plus important.
- Un médaillon qui lui permet de repousser les plus grosses menaces aquatiques grâce à un mélange d'odeurs ou simplement nauséabondes ou capables de couvrir celle d'Océloth. Un objet de soutient, rien de vraiment incroyable.

PLUS AMPLEMENT

(howling) Arthur Martens est né dans un petit village perdu d'Angleterre durant un hiver dans les années 1250. Ses modestes parents, en apparence de très bons chrétiens, tenaient une boutique dont le nom commençait à faire écho dans les grandes villes. N'étant pas des plus fortunés malgré leurs habiletés et le respect qu'ils inspiraient, Arthur était principalement éduqué par sa mère. Avec l'âge il lui ressemblait davantage. Il apprenait de ses talents, sa perception et sa compréhension du monde en faisait un des gamins les plus futés des environs et... le plus choyé. Ses côtés gâtés ressortaient chaque année un peu plus. A mesure qu'il prenait conscience de la nature de ses camarades il se pensait meilleur. Plus grand. Plus fort. Plus méritant. Avec un avenir potentiellement plus reluisant.

Près du jour de ses seize ans deux nouvelles intrigantes personnalités se sont installées dans leur région. Une femme, peut être grand mère, avec sa petite fille, une charmante rouquine aux yeux verts. Elle avait la quinzaine et Arthur -déjà trop charismatique pour la plèbe- l'avait intégrée dans leur petit groupe d'amis. Rapidement charmée, elle lui a déclaré ses sentiments en lui présentant un cadeau unique pour son anniversaire. L'adolescent a probablement eut la réaction la plus abominable qu'on puisse adopter dans ces circonstances: en découvrant l'objet enveloppé dans un vieux tissus usé il l'a soulevé entre deux doigts, répugné. "Quoi? C'est quoi cette horreur?" Il s'est mit à rire de concert avec les deux autres derrière lui. "Désolé, je compte pas rester là. Moi, j'irai faire de grandes choses! Je deviendrais important, je ne vais pas m'attarder avec des fermiers et... toi. Tu n'as qu'à demander à Emile, lui il te trouve jolie au moins!" Un ton partiellement gras, méprisant. Un sourire satisfait. La pauvre gamine l'a supplié de s'excuser et d'oublier. Lui, lui a tourné le dos pour la laisser en larmes. "Je te connais même pas. A quoi tu t'attendais? Tss."

La rancune rongea la demoiselle au point de déjà l'aveugler complètement. La nuit même, ses néfastes intentions la poussaient à se rendre jusque dans la cour des Martens. Elle espionnerait la crapule qui venait de la ridiculiser publiquement, apprendrait du moindre détail de sa vie et les retournerait contre lui. Elle forcerait ce crétin arrogant à dévoiler sa véritable nature devant le village entier. Ses propres amis l'abandonneraient. Ses voisins remettrait la réputation de sa famille en cause. Ses parents le détesteraient. Elle pourrait ensuite se délecter de l'avenir qu'elle lui arracherait petit à petit.

La rouquine s'était donc appuyée sur une caisse pour se hisser à bonne hauteur. Ses projets changèrent radicalement au moment où sa petite tête curieuse passait l'encadrement d'une discrète fenêtre. A l'intérieur de la maison, un spectacle cauchemardesque se profilait. La parente d'Arthur observait son fils, stoïque, alors que ses bras se recouvraient d'un liquide noir visqueux... L'esprit imaginatif de l'espionne l'interprétait aussitôt de cette façon: le garçon était un monstre qui hypnotisait ses parents pour se faire passer pour humain jusqu'à ce qu'il décide de s'en prendre aux villageois.

La gamine horrifiée s'est immédiatement précipitée hors de son perchoir, quitte à se fouler une cheville, pour aller retrouver sa grand mère et tout lui raconter. Une petite enquête locale aurait put être rapidement menée. Personne aurait cru une enfant en plein délire. Sa grand mère a cependant prit son parti et s'est invité personnellement chez les Martens. Un soupçon insistante, elle remarquera d'étranges indices. Il ne lui faudra pas longtemps pour que ses suspicions convainc les autres à se méfier. Après tout, des yôkai seraient capables de leur jouer pareil tour? Ils sont si.. chaotiques.

La peur montait au sein de la famille. Arthur alla donc supplier l'autrice de leurs maux d'avouer avoir menti à son propos. Elle refuserait tant qu'il ne lui prouverait pas sa bonne foi. Si il n'est pas une menace comme il le prétend, elle envisagerait de revenir sur ses déclarations et convaincrait sa grand mère d'abandonner son obsession de mener une chasse aux démons.

D'abord patient, Arthur a accepté. Condamné à se plier à ses exigences, il s'est laissé couler dans les profondeurs et en oublia jusqu'à sa propre existence. Puis, après une longue errance en solitaire, il est revenu à elle dans l'espoir qu'elle lui permette de retrouver sa vie sans mettre celle de ses parents en danger. La rouquine, toujours amère, lui a ri au nez. "Tu as été assez stupide pour disparaître aussi longtemps, tes parents se passent très bien de toi! Et nous autres aussi.". Son sourire mutin achevait de l'anéantir. Dans un accès de colère soudaine le concerné la tuait. Lorsqu'il s'est rendu compte de la force qu'il avait développée il était trop tard. La jeune femme venait de se faire broyer la nuque et le dos. Le monstre a dévasté les lieux en recherchant frénétiquement un moyen de s'aider à reprendre forme humaine dans les nombreux ouvrages disséminés autour de lui. Il en a arraché des pages et dévoré le contenu de différents bocaux en vain. Le coeur froissé par la terreur de son acte inattendu, il eut l'impression de se changer en pierre sur place. Son instinct lui a hurlé de se jeter dans l'océan pour ne plus jamais le quitter.

[...]

Convaincu d'être hanté par l'esprit de ce qu'il croit -encore aujourd'hui- être l'engeance d'une sorcière, le démon a perdu tout ce qui faisait de lui ce qu'il était autrefois. En ajoutant que la solitude lui a en partie fait perdre l'esprit. A vrai dire, Arthur ne portait déjà plus ce nom après son séjour en sommeil dans les profondeurs. Sa mémoire défaillante lui a préféré le nom d'Océloth, la calamité des abysses.

[...]

Après plusieurs siècles à hanter les eaux de l'Angleterre en faisant disparaître des marins, des curieux, en détruisant des filets de pêcheurs, ou en réduisant des édifices en miette... Océloth s'est lassé de cette région (enfin, les habitants se sont lassés de la légende du monstre tentaculaire et ont commencé à le rechercher activement pour s'en débarrasser). Le Japon semblait être une bonne cible. Il y trouverait peut être des semblables, ou.. un moyen de se débarrasser définitivement de sa malédiction?

DEBRIS DE SA ROUTINE

(nier) Non loin d'un récif enfoui sous les abysses, dans les ruines d'une ancienne crypte Océloth s'est enlisé au pied d'une pierre fêlée. Elle semble si petite vue de sa hauteur, même alors qu'il s'y penche pour la contempler, pensif. Au creux de ses mains trône une curieuse sphère blanchâtre. Il la presse contre lui en se remémorant les derniers événements.

*

Les nuits de lune dégagée Océloth quitte les eaux pour faire une halte dans une grotte marine cachée à la vue de tous. Il s'y sèche tranquillement en reprenant forme humaine avant de revêtir son habituel costume. Coutumièrement, il prend un chemin couvert par une pierre avant de remonter à la surface via un escalier naturel formé dans un gouffre. Un chemin précis, au début long aussi, mais nécessaire pour la discrétion de ses déplacements.

Hors, cette nuit là un importun s'est aventuré dans les environs par mégarde. Ou plutôt, le pauvre bougre à posé le pied sur un point sensible de la terre et a chuté brusquement pour s'écraser à plat ventre sous le nez d'Océloth! La surprise aura interrompu le monstre tandis que l'humain soulevait faiblement son corps en geignant, étourdit. Tout le temps de l'action semblait ralentir le temps autour d'eux. Le premier l'observait, interdit, alors que le second l'apercevait tout juste en se redressant. Un regard échangé. Les yeux dans les yeux. Un cri d'horreur.

Océloth venait à peine de remonter a la surface. Il pouvait le happer entre ses bras pour lui broyer les os.

Encore aujourd'hui le mystère subsiste: pourquoi ne l'a t il pas fait?

Un flot de questions immergeait la créature infâme. "Un monstre! A l'aide! T'es quoi bordel? Qu'est-ce que t'es? J'suis où?! Me tuez pas! Pitié!" L'humain reculait jusqu'à vite percuter une paroi trempée de la grotte étroite. Aucune réponse. A mesure que les secondes s'écoulent il s'interrogeait différemment. Ses épaules se détendait un peu plus. "vous me poursuivez pas? vous allez pas me faire de mal..?" Vint ensuite la curiosité lorsque son souffle reprenait un rythme plus lent. "Vous.. vous êtes quelqu'un? Qu'est-ce que vous êtes?"

Tout du long de la scène le démon a observé cette lueur dans son regard. Ces gestes, cette terreur. Toujours la même. Quoique, peut être.. un léger changement. Sa lassitude se muait doucement en un sentiment nouveau. Est-ce qu'il devait le noyer, ou.. lui répondre?

L'autre paraissait nerveux, quoique sincèrement intrigué par sa découverte inattendue. Sans oser ni approcher ni fuir, il se déplaçait nerveusement sur la gauche, puis à droite. Il passait sa main dans ses propres cheveux pour dégager plusieurs de ses mèches vers l'arrière de sa tête. Il commençait à comprendre qu'il ne susciterait aucun mouvement brusque. Alors il faisait un pas assuré vert l'avant. Océloth lui offre ce loisir sans mauvaise intention. Il le laisse aller à son rythme avant de finalement élever la voix. "Vous n'auriez pas du tomber ici." Sec, froid, concis. "Vous savez sûrement que cet endroit mène à une fausse infernale peuplée de créatures dangereuses. Auriez vous quelques envies suicidaires?" Le monstre reprenait son train de vie en se séchant à mesure qu'il prenait forme humaine. S'il ne le perçoit pas comme une menace il pourrait lui laisser une chance, peut être.

Ahuri, l'importun s'est retourné soudainement. "Non mais ça va pas?! Vous pourriez prévenir..." Le concerné s'amusait de sa réaction. Sont-ce là ses seules préoccupations désormais? De le voir sans couverture? Décidément, il ne devait vraiment pas être comme eux. Terreur des abysses ou non ça le distrairait au moins un temps?

*

Océloth attendait sur un banc moussu à l'ombre d'une lanterne en pleine forêt. Comme promis, Nath' le rejoignait dans l'heure. Heureusement d'ailleurs, puisque ces derniers jours l'ennui se montrait plus amer. Le démon le tenait pourtant en horreur. Au moins autant qu'il se détestait de s'y être attaché aussi rapidement. Les remerciement initiaux qu'il pensait prononcer avec un certain élan manquent de franchir ses lèvres: il se ravise en remarquant que cet imbécile cache une étrange chose dans son dos. "qu'est-ce que tu m'amènes encore?" Dans sa grande dualité, sa rancune prend les devants à chaque fois, en premier lieu. On lui renvoie un sourire sincère. "ça va, je te jure que j'ai pas dépensé des montagnes là d'dans!". L'humain, fier de son projet, lui présentait un médaillon qu'un ami l'avait aidé à concevoir entièrement à la main. Une babiole ridiculement banale aux yeux d'Océloth. "je sais, je sais ce que tu vas m'dire. c'est débile. mais.. t'as qu'à t'dire que si ça te porte pas chance, moi, je serai rassuré si t'as un moyen sûr d'éloigner ces affreux machins de l'océan dont tu m'rabâches que j'dois pas m'approcher. p'is si tu trouves ça moche... bah.. garde le quand même!" La fin de sa phrase était accentuée par sa dureté. Il était sérieux. Oh oui, parfaitement sérieux. "Non, je le trouve très joli." L'esquisse d'un sourire éclairait brièvement le visage du démon. "Je l'aime bien, vraiment. Merci Nath'".

*

(night) Le ciel couvert se faisait plus sombre que d'ordinaire. Océloth s'était donc perché sur un rebord dans la grotte cachée, l'air nostalgique plus que désolé de ne pas pouvoir se déplacer sur la terre ferme. Il lui arrivait d'observer les remous ou les étoiles qui se frayaient un chemin entre les épais nuages gris. Cette nuit, non. Il triturait le médaillon que lui avait confié ce bon crétin dont il s'est bêtement entiché. Ses doigts passaient entre les fines reliures pour les redécouvrir à chacun de leur passage. Inexpressif, il patientait, s'attendant à devoir replonger dans les abysses très prochainement.

Un écho l'en dissuadait sur l'instant. "j'savais qu'tu s'rais là! c'était sûr!" L'horreur autant que la surprise se lisait sur les traits du démon. "Que.. c'est risqué, je t'ai déjà dis de ne jamais venir ici! et pas uniquement pour toi. ça ne concerne pas que ta vie. et si on t'avais suivi?" Evidemment, non. Ca lui passait au dessus, pourquoi est-ce qu'il y penserai? Crétin de pécore. "t'inquiète pas, va. tu l'as dis toi même. y'a jamais personne ici." Son assurance était déconcertante. "alors, t'étais en train de faire quoi?" Retour à la réalité. Il songeait justement à replonger pour se dégoter un repas convenable. "va t en, Nath. ne reviens pas. je n'aurai déjà pas dû te laisser approcher." Le dégoût déformait son visage. Emprunt d'encore une once de bienveillance, il le somme de quitter les lieu avec plus d'ardeur et de conviction. Sa voix s'élève avec plus de force à chacun des refus d'obtempérer de son incroyable, entêté, andouille.. de cible. Océloth aurait simplement pu partir lui-même. Sa conscience le lui hurlait. Ses mots en venaient à s'étouffer dans le fond de sa gorge lorsque l'humain refusait catégoriquement une dernière fois de l'abandonner là. "va. t en. et ne reviens jamais! fais encore le sourd et je te jure que-"

Il s'interrompt et arrache le médaillon de son cou pour le lancer avec force dans sa direction. "dégage je t'ai dis!". Sans déclencher de réaction il s'agace davantage. "puis je te rappeler que je pourrais te tuer? dehors! va t en!" Rien. Pourquoi est-ce que ça ne l'atteignait pas? Pourquoi est-ce qu'il restait béat, planté là, à le regarder en maintenant une faible distance entre eux? Etait-il stupide au point de croire qu'on puisse passer outre sa propre nature? Il le savait. Océloth l'a largement bien renseigné sur ses activités. Et il s'en moque réellement? "hey, je sais. t'en fais pas. on va juste discuter, d'accord?"

Crac. Un simple crac.

Nathan s'était approché pour l'enserrer simplement dans ses bras. Le démon a enfouit sa tête au creux de son épaule en le laissant faire par dépit. C'est que.. il est vraiment stupide, n'est-ce pas? Océloth remontait ses mains dans le dos de son vis-à-vis, ses ongles froissaient le tissus de sa chemise en s'y enfonçant. Il l'aimait vraiment. De tout son coeur, il l'a vraiment aimé.

Au delà de la pression qui venait de lui briser les côtes, ces dernières transperçaient son dos. Océloth en pleurait en écrasant le corps contre lui. Ses ongles s'enfonçaient encore plus dans sa chair lorsqu'il sentait le tissus se tremper de rouge. Il enrageait intérieurement, profondément. Le pauvre homme n'aura même pas eut l'occasion de suffoquer. Un bref râle s'en était juste échappé. Le démon eut un soubresaut en inspirant longuement. Ses yeux clos traduisaient le souhait conscient de ne pas affronter cette affreuse vision. "je suis désolé. je t'avais averti. je suis tellement désolé..."

Ainsi soit-il.

*

Non loin d'un récif enfoui sous les abysses, dans les ruines d'une ancienne crypte Océloth s'est enlisé au pied d'une pierre fêlée. Elle semble si petite vue de sa hauteur, même alors qu'il s'y penche pour la contempler, pensif. Au creux de ses mains trône un crâne humain parfaitement blanchi. Il le presse contre lui en se rappelant que jamais, ô grand jamais, on ne défie la réalité.

Aussi triste soit-elle, il perpétuera inlassablement le geste. Maudite soit celle qui l'afflige de cette peine, autant qu'elle l'impose à tout les autres. Car ces restes d'os comme les vestiges d'un coeur inanimé, chacun comme le premier, reposera à jamais dans le fond de ces eaux.