Un petit coup loin de chez soi

En ces temps troublés, il n'était pas rare de voir les paysages mélancoliques laissés par les champs de bataille où le sang avait imprégné la terre et les restes de combats passés noircissaient l'air de sombres volutes. Peut importe qu'il fasse grand soleil ou que la pluie s'abattait avec force sur les ruines de la vie, la beauté de la nature était effacée au profit de la peine et la désolation. Une souffrance qui se lisait sur les visages des paysans presque las des attaques incessantes sur leur village. Des visages résignés et qui pourtant continuaient d'exister, comme si tout ceci faisait parti de leur quotidien.

C'était dans cette ambiance qu'avançait le conteur dont les vêtements dénotaient avec ceux des habitants, attirant des œillades mauvaises sur celui qui était pensé comme un noble riche à l'abri de la faim et la peur qui les tiraillaient. Étrangement, Iwajiro sentait qu'il allait devoir payer bien plus cher que les autres son repas aujourd'hui. Mais pouvait-il vraiment le leur reprocher tandis qu'ils devaient subir sans cesse les affres de la vie ? Du moins une vie de sédentaire, contrairement à la sienne portée par le vent, ils étaient enracinés sur leurs terres et devaient donc dépendre de ce qu'elles leur permettaient d'acquérir.

Son existence n'était pas non plus exempte de contraintes : il n'avait pas de chez lui, pas d'attaches ou même de liens et était toujours regardé comme un étranger. Une personne dont il fallait se méfier. De plus ses récits pouvaient ne pas plaire aux habitants et leurs griefs pouvaient lui éclater au visage.

Pourtant nullement atteint par tout cela, le voilà déambuler à la recherche d'un toit pour passer la nuit et d'un repas afin de reprendre des forces. Même s'ils auraient besoin d'un peu de rêve, ils ne l'accepteraient jamais alors malheureusement le conteur ne ferait pas d'interprétation pour ce soir, pas plus qu'il ne s'attarderait dans ce village. Aujourd'hui, la chaleur était étouffante, peut-être annonciatrice d'un orage futur. Au moins cela rafraîchirait l'atmosphère pensa-t-il tandis qu'il entrait vers ce qui semblait être l'auberge du coin. Difficile à dire compte tenu de l'état de délabrement de la bâtisse. Peut-être arriverait-il à faire une bonne action et à gagner un peu de sympathie en se proposant pour réparer quelques planches ou rénover un coin pour le propriétaire.

La vie était ainsi faite : des petites actions qui, mises bout à bout, finissaient par former une chaîne reliant tous les être vivants entre eux. Liant de toutes les existences, ses maillons n'étaient toutefois pas toujours positifs et certains asservissaient tandis que d'autres liaient.

Ayant fini par trouver le gérant, un homme bourru mais qui avait un bon fond, il réussi à avoir de quoi se nourrir et dormir à un prix abordable contre quelques tâches dans son établissement. À défaut d'être conteur en ce jours, il serait homme de main ironisa-t-il pensivement. Ses affaires impeccablement pliées dans ce qui serait sa chambre, le voilà à retrousser les manches afin d'aider au mieux dans son rôle. Au moins son coté maniaque allait lui être d'un grand secours pour aujourd'hui et après avoir nettoyé la vaisselle, il avait été chargé de passer le balai dans le coté restaurant.

Au moins il avait évité de risquer à sa blesser en jouant les réparateurs en herbe, il fallait dire que même avec sa bonne volonté, il resterait une catastrophe en la matière.

Balayant la salle sombre, il avait été laissé seul par le propriétaire parti réparé les tuiles aperçues un peu plus tôt. Du moins pas aussi seul qu'il ne le pensait, car une silhouette dissimilée par l'obscurité des lieux vint finalement à bouger – plus ou moins avec peine – vers le brun aux prunelles ambrées. Curieux par la scène, il arrêta sa besogne pour le fixer dans un silence. Le client voulait-il qu'il le serve. Plus il se rapprochait et mieux Iwajiro comprenait la raison à ces titubements : l'odeur âcre s'échappant de la bouche de l'individu ne laissait plus de place à son état d'ébriété.

…

Bon, si l'homme était bourré, il restait un client et mieux valait ne pas donner une raison au vieil homme sur la toiture de le virer à coup de pied. Pensif, il attendit que l'autre homme ne lui fasse la commande, tant et bien bien qu'il ne sentit que trop tard le bras s'enroulant autour de lui tandis qu'on le décrivit comme une jolie demoiselle. À cela, une seule réaction : le conteur inclina légèrement la tête sur le coté, un sourcil arqué.

« - Pardon ? »

Eh oui, l'alcool pouvait parfois faire voir de drôles d'hallucinations et les cheveux longs ainsi que le maquillage ou encore la longue tunique du conteur étaient devenus des apparats pour un homme ivre mort mais dont la lame à sa hanche brillait malgré la pénombre les engloutissant.

Halloween

Si un jour on lui aurait dit qu'une personne l'aurait confondu avec une femme, Iwajiro aurait très certainement brisé son masque d'impassibilité pour laisser se soulever un sourcil interloqué. Quelle bonne blague cela aurait été, mais voilà cette « blague » était bel et bien son présent et tout ce qu'il pouvait faire en cet instant était de prier pour qu'un miracle se produise.

Ce vœux se matérialisa sous la forme d'un nouvel arrivant, les bras chargés de victuailles et qui s'avançait vers eux. Enfin miracle... le pauvre bougre n'avait guère semblé comprendre la réelle situation et si sa dignité en fut sauvegardée, cela ne l'aida pas vraiment pour autant. Car l'individu collé à lui, et dont l'haleine risquait d'exploser si ce dernier soufflait trop près d'une torche, n'était apparemment pas très heureux que l'on brise son moment avec sa proie.

Si le conteur offrait un visage impassible, voir même blasé, face à l'ingénu personnage, l’irritation se lisait très clairement sur le visage de l'homme au sabre. D'ailleurs se dernier se mit à beugler des propos presque incohérents si l'on ne se concentrait pas un minimum dessus tout en faisant comprendre au rouquin qu'il le gênait.

Voyant comment l'autre individu pourtant bien attentionné n'avait pas compris la situation, il dut à son tour prendre la parole, du moins avant d'avoir stoppé un visage un peu trop proche du sien d'une main tandis que l'autre gardait son balai d'une étreinte aussi crispée que serrée. Ceci fait, le brun en mauvaise situation se racla la gorge avant de s'expliquer d'un ton monotone malgré ses tracas intérieurs.

« - Cet individu en état d'ébriété ne possède plus toute sa raison et je vous serai reconnaissant de m'apporter un peu d'aide à l'installer dans un endroit où il pourra décuver tranquillement et sans risquer de gêner autrui. »

Tandis qu'il s'adressait au nouveau venu, ses prunelles ambrées avaient fini par se relever du parquet pour se planter dans celles de son interlocuteur et possible sauveur. Face à sa requête, son geôlier fit part de son désaccord en raffermissant l'étreinte autour du pauvre conteur tout en laissant exploser quelques propos tel que « provocante » ou « aguicheuse », si cela continuait de la sorte le peu de dignité qu'il lui restait allait finir par s'envoler.

« - Si possible dans les plus brefs délais... Malheureusement cet homme devient de plus en plus lourd. »

Et insistant aussi mais il préféra ne pas irriter le personnage plus que de raison en donnant le fond de sa pensée. Il était déjà bien mal en point alors autant ne pas attiser un peu plus sa colère d'autant plus que l'une de ses mains commençaient très dangereusement à se poser vers son arme. Mieux valait régler tout ceci sans causer de grabuge, surtout qu'il savait que le vieil homme sur le toit mettrait très certainement le prix des réparations sur ses dettes.

La prochaine fois, il insisterait pour réparer un toit au lieu de passer le balai...

Halloween

Plus l'homme qui le tenait prisonnier était furax et plus son étreinte sur lui s'affirmait, à tel point qu'il était poussé contre lui malgré ses futiles tentatives de mettre de la distance entre leurs deux corps. En même temps, il n'était qu'un simple conteur et non un combattant comme semblait indiquer l'habit, la musculature et enfin l'épée de l'ivrogne. Décidément Mino était une contrée très accueillante avec les étrangers et il se dit que pour sa survie mieux ne valait pas aller titiller les locaux par ses récits qui pouvaient faire grincer des dents.

Peut-être que son périple le mènerait vers un autre village un peu plus ouvert et que cette étape était un malheureux concours de circonstances : pour preuve le vieil homme ou encore le généreux ingénu qui était apparu pour venir en aide. La dureté de la vie pouvait se faire fermer bien des cœurs et des esprits. Devenir insensible afin de supporter un quotidien bien trop douloureux était un mécanisme naturel. Voilà pourquoi il n'avait pas sourcillé lorsqu'il avait senti les regards glisser le long de son dos à son arrivée. Toutefois ce qu'avait fait ce client dépassait les limites du raisonnable car non seulement il avait agit sans le consentement mais en plus s'enfonçant dans sa mauvaise foi.

Fort heureusement, l'inconnu fini par comprendre ce qui se tramait et acceptait ses explications. Même s'il était encore tendu par la proximité avec l'autre individu, Iwajiro pouvait tout de même souffler car on lui venait en aide.

« - Faites tout de même attention. Cet individu semble fort prompt à user de son arme, je ne voudrais pas que vous soyez blessé dans un quelconque conflit. »

L'idée d'être à l'origine d'une blessure de ce bon samaritain, car ce dernier l'avait aidé, ne lui plaisait pas vraiment alors autant le prévenir du risque qu'il encourait. Il l'avait vu entrer avec de nombreux paniers, cela devait signifier qu'il était soi un des employés de l'auberge soi un marchant itinérant ayant fait un bout de chemin avec toutes ses marchandises. Il devait donc être fatigué et même si son assaillant était en état d'ébriété, il restait tout de même un combattant. Une menace à ne surtout pas négliger.

Et pourtant le nouveau venu souleva son assaillant avec une facilité déconcertante : d'abord en lui attrapant le poignet afin de lui permettre de s'échapper puis souleva le corps sans difficulté ! Heureusement qu'il l'avait prévenu sinon il aurait été complètement choqué de voir cette force de la nature en action. Puis une question vint trottiner dans sa tête : était-il réellement humain ? Il fallait dire qu'il n'avait pas pu s'attarder sur le physique de son sauveur mais maintenant hors de portée du danger, il pouvait s'apercevoir de la couleur originale de ses cheveux ou encore les marques sous ses yeux.

Malheureusement en s'attardant sur ces détails, il n'avait pas vu la main de l'autre homme, précédemment portée vers son katana, essayer de l'agripper une nouvelle fois. L'ivrogne était têtu apparemment et après une esquive de justesse, le brun épousseta ses vêtements et remettant de l'ordre dans son apparence avant de répondre à l'étrange mais néanmoins amical inconnu.

« - Malheureusement je n'en ai aucune idée, il était présent bien avant la prise de mon service. Peut-être que le propriétaire de l'établissement pourrait répondre à cette interrogation. Avez-vous besoin d'aide pour le trouver ? »

Malgré l'impression qu'il donnait de n'être nullement perturbé par ce qui venait de lui arriver, le conteur était troublé et le léger tremblement de sa main sur le manche de son balai était l'une des rares preuves qui le trahissait, avec le trouble qui se reflétait dans ses prunelles. Ne voulant pas que son image soit brisée, il se changea les idées en allait déposer son instrument de ménage en attendant la réponse de l'autre homme. Ceci fait, il se retourna et fit preuve de politesse envers son bienfaiteur en s'inclinant respectueusement et aussi gracieusement qu'il le pouvait.

« - Veuillez accepter mes remerciements pour l'aide que vous m'avez apporté. Je me nomme Yamamoto Iwajiro et je ne suis ici que pour payer ma chambre pour ce soir. Je n'avais nullement dans l'intention de provoquer de tels événements. D'ailleurs est-ce que ça va aller ? »

Termina-t-il tout en posant ses ambres curieuses en direction de l'ivrogne qui s'agitait encore et toujours. Pour être tenace, il l'était !

Halloween

Ainsi donc son sauveur avait maintenant besoin de ses services, au moins n'aurait-il pas longtemps à trouver comment pouvoir lui rendre la bonté de son geste même si de son coté ce ne serait pas aussi important que comme ce le fut avec l'inconnu. Posant donc le balai sur l'un des murs afin de s'en délester et ne pas être gêné dans sa marche, il invita par la suite l'homme aux cheveux de couleur originale à le suivre. Il fallait dire que cette couleur n'était nullement arborée par les humains et ce détail se rajouta à la longue liste qui lui intimait que l'être en face de lui n'était peut-être pas si humain qu'il l'avait pensé. Mais loin de lui en faire part, il préféra laisser ce détail de coté pour le moment.

« - Dans ce cas, veuillez me suivre je vous prie. »

Les voilà donc sortis de l'auberge et le brun leva la tête en direction de là où provenait tout à l'heure la source des coups qu'ils avaient entendus sur la toiture. Au moins il fut rassuré d'y voir le vieux bougon qui avait arrêté sa besogne et commençait déjà à vouloir redescendre afin d'aller découvrir le fin mot de ce boucan. Autant dire que derrière sa moustache bourrue s'exprima quelques interrogations lorsqu'Iwajiro prit la parole.

« - Un importun un peu trop alcoolisé a provoqué un certain boucan dans votre établissement. Cette âme généreuse a réussi à le maîtriser et nous allons de ce pas le mener dans un coin où il pourra décuver tranquillement sans être une gêne pour vos client. »

Cette fois, et malgré sa condition d'employé intérimaire, le conteur n'accepterait aucun refus de la part de son employeur et tant pis si pour cela il devrait dormir à la belle étoile. Fort heureusement, le vieux monsieur malgré son caractère dur savait se montrer compréhensif et juste et d'un mouvement de tête indiqua qu'il comprenait et acceptait la décision de l'étranger. Au moins une bonne chose de faite et si Iwajiro semblait de marbre face à tout cela, intérieurement il soupirait de soulagement.

Il inclina néanmoins la tête en signe de gratitude tout en formulant ses remerciements avant de se retourner vers Kiseki en l'invitant une nouvelle fois à le suivre. Au moins avoir marché quelques temps dans le village et ses environs pour y trouver un endroit où passer la nuit lui avait permit de faire du repérage au cas où ses recherches devraient s'avérer infructueuses.

Une fois à bonne distance de l'aubergiste et de sa fille, qu'il avait à son tour salué poliment, il reporta son attention vers le porteur non pas de l'anneau mais du tonneau et reprit leur conversation qu'il avait mis en suspens pour régler leur soucis d'absence temporaire.

« - Ne vous en faites pas pour ceci. Je vois bien que dans ce village quelques tragédies semblent harceler les pauvres âmes et que cela joue beaucoup sur leur moral... et leurs habitudes pour tenter d'y échapper. Je doute nullement que votre contrée saura se montrer plus clémente envers l'étranger que je suis pour le reste de mon voyage. »

Le ton était désinvolte et détaché prouvant ainsi qu'il n'était nullement affecté par ce qui venait de se passer. Après tout lors de ses précédentes pérégrinations, il avait bien pu croiser plusieurs personnages tous plus hétéroclites les uns que les autres et ce au sein d'une même préfecture. « Il faut de tout pour faire un monde » et ses nombreuses rencontres illustraient avec brio cet adage. Mino ne faisait aucunement exception et alors qu'il avait croisé des regards envieux ou même dédaigneux, il avait en même temps rencontré des âmes nobles qui avaient acceptés de l'aider malgré le fait qu'il soit un parfait inconnu.

Il me semble avoir vu dans cette direction une petite rivière où nous pourrions y puisez de l'eau afin de l'aider à calmer les effets secondaires de l'alcool. L'organisme perd beaucoup d'eau après avoir été soumis à une forte ébriété. Il nous faut donc le réhydrater au plus vite afin de lui éviter une sévère migraine... même si ce serait une punition pour son acte.

Est-ce que cela lui permettrait de réfléchir à son comportement ? Le conteur n'en était pas réellement convaincu. Beaucoup de personnes ne noyant dans l'alcool avait du mal à en ressortir la tête. Toutefois s'en occuper pourrait s'assurer qu'il ne devienne pas un danger pour les autres mais aussi pour lui-même.

Arrivés près du cours d'eau, Iwajiro indiqua un endroit où Kiseki pourrait déposer le lourd et gesticulant fardeaux d'un mouvement de la main tandis qu'il se dirigeait vers l'eau afin d'en puiser une petite quantité. Ceci fait, il s'avançait vers les deux hommes en mettant en évidence la gourde - récupérer sur leur prisonnier – et de tenter de l'approcher à la bouche de l'homme au sabre.

« - Posez-le par ici, ainsi et même si son poids ne vous incommode que peu, vous pourrez tout de même souffler et être en mesure de mieux de surveiller. Cela est-il votre quotidien que de venir en aide à toute personne que vous croisez ? »

Conclu-t-il d'un air amusé.

Halloween

Décidément les éléments de preuves s'accumulaient quand à la théorie d'Iwajiro sur l'identité de son bienfaiteur. « même après deux-trois siècles, c'est toujours un plaisir de voir les nouvelles générations perpétuer et faire évoluer leur arts » n'est-ce pas ? Tandis que son interlocuteur rayonnait face aux nombreux trésors qui enrichissaient sa région, le conteur ne pu réprimer un léger sourire.

« - Je serai heureux de découvrir les lieux que vous m'avez indiqué et m'attarder quelques instants sur leurs activités artisanales néanmoins je ne pourrais malheureusement pas m'y attarder aussi longtemps que vous. »

Encore un être qui paraissait bien plus jeune qu'il ne l'était en réalité, cela avait de quoi donner un coup de vieux au voyageur et pourtant il ne l'enviait ni ne se morfondait sur la fugacité de son existence. Ce qu'il déplorait toutefois était qu'il n'aurait jamais assez le temps de méditer sur ce qui hantait son esprit et que son œuvre resterait à jamais inachevée. Enfin, peut-être trouverait-il un jour une bonne âme qui pourrait continuer ce qu'il avait entreprit. Entre Kiku, Ozora ou encore ce Kiseki, il y avait beaucoup d'esprits pacifiques et bienveillants qui accepteraient un tel fardeau.

Son existence serait brève et éphémère, pourtant et comme il l'avait déjà dit à son ami gardien : c'était ce qui faisait sa beauté. Une chose tellement fragile que le moindre basculement pourrait la rompre. Peut-être était-ce une autre raison à son départ : profiter pleinement du temps qui lui était imparti sur cette terre. Se lever et profiter d'un levé de soleil se réverbérant dans la rosée du matin sous un ciel aux couleurs chatoyantes. Profiter d'une après-midi pluvieuse où chaque gouttelette s'écrasait lentement contre la toiture dans une mélopée propice à endormir son auditoire ou bien encore fixer le ciel de jais parsemé d'une multitude d'étoiles dont les scintillements offraient un ballet enchanteur.

Des détails aussi beaux qu'il les mettait dans son journal à grand renfort d'encre sur le papier pour ne jamais les oublier et pour les partager à son public. Si lui pouvait voir tout cela, il espérait qu'à chacune de ses interprétations, il puisse les faire imaginer à son auditoire.

« - Non. Vous ne parlez trop car chaque détails a son importance et explique ce qui attire vos goûts plus qu'un autre détail. Cela n'est qu'une preuve qui argumente pourquoi cela vous a marqué et pourquoi cela vous a plu. »

Toutefois et malgré ses paroles, il semblerait que leur patient ne soit nullement du même avis et ses gesticulements en étaient la preuve. Il commençait à s'énerver de sa position alors le brun décida de couper une nouvelle fois court à leur agréable conversation pour faire en sorte que le fardeau de Kiseki soit le moins pénible possible.

Au moins ce dernier avait réussi à déposer l'ivrogne sans trop de difficultés pendant qu'il était parti cherché un peu d'eau néanmoins l'homme au sabre ne se laissait nullement faire et refusait avec véhémence l'eau que le conteur était parti cherché. Devant son obstination, celui-ci ne pu que soupirer de lassitude avant d'écouter les propositions du grand gaillard aux cheveux couleur pêche. Cela était déconcertant de voir avec quelle facilité il arrivait à tenir en respect son adversaire et la scène relevait plus d'un adulte retenant un enfant que d'un véritable duel de force entre deux hommes.

Une bonne scène à noter dans un coin de sa tête afin de faire rire son public.

Mais pas le temps de s'en amuser, il fallait donner une réponse rapidement ou il sentait qu'il allait finir par faire boire un endormi. Mais monsieur muscles était aussi un cœur tendre car même avec les nombreuses insultes reçues ou encore les menaces répétées, ce dernier ne perdait pas pour objectif de vouloir l'aider. Une fine ligne mystérieuse étendit alors les lèvres du conteur qui fini par se reculer.

« - Dans ce cas, il serait préférable qu'il se fatigue un peu plus. Je sens que ce têtu-là risque de redoubler d'ingéniosité si l'on lui laisse la possibilité à l'eau alors qu'il a encore de la ressource. Je n'ai malheureusement ni la force ni même votre endurance à tous les deux pour vous venir en aide et mis à part finir tous trempés, je crains fort qu'une tentative précipitée ne pourrait que mener à un miracle. »

Conclut-il sur un ton amusé. Mais voulait tout de même rendre service et pour être certain de ne pas être allé puiser de l'eau pour rien, Iwajiro s'avança vers on allié et lui proposa la gourde fraîche.

« - Si notre patient refuse de quoi se désaltérer, peut-être que vous vous n'y serez pas contre. Avec un peu de chance cela le fera peut-être réfléchir quand aux bienfaits que cette boisson peut apporter. »

Halloween

Tandis que le conteur proposait de l'eau à son compagnon de route, celui-ci refusa poliment malgré les gesticulements de son paquetage en prétextant devoir plutôt se concentrer à le tenir ce qui, malheureusement, provoqua son inattention responsable des incidents qui se produisirent par la suite. Concentré à répondre à Iwajiro, le pauvre Kiseki n'eut plus le samouraï dans son champs de vision ce qui lui donna l'opportunité de se dégager à grands renforts de coups qui déstabilisèrent le pauvre bon samaritain.

La suite se termina donc dans la rivière sous le regard médusé du brun qui resta coi, immobile, à tenir sa gourde sans savoir ni quoi faire ni quoi penser de la situation. Ce fut comme un ralenti devant ses prunelles ambrées où il vit son sauveur tomber dans l'eau et provoquer une grosse gerbe d'eau qui s'écrasa sur l'ivrogne et lui-même. Malgré tout cela, il ne bougea pas plus si ce n'est en clignant plusieurs fois des paupières après avoir été aspergé mais avant qu'une forte poigne n'emprisonne ses deux bras tandis que les relents d'alcool ne viennent titiller de nouveau son nez à son plus grand damne.

Encore des noms d'oiseaux qui furent fustigés, il semblerait que leur fardeau n'ait aucunement décuvé et que son emprisonnement l'ait quelque peu énervé... Tandis qu'il cherchait un moyen pour se dégager lui-même de l'étreinte, il se sentit poussé en avant tandis que le second humain fuyait déjà la scène de crime. Apparemment devant les gentilles réprimandes et le soupir de Kiseki, l’ivrogne avait fini par prendre peur et plutôt que de se rendre gentiment, avait préféré jeter « la demoiselle en détresse » afin de faire distraction et ainsi prendre la fuite.

Voilà donc pourquoi Iwajiro fini par rejoindre son comparse dans l'eau fraîche de la rivière, aspergeant son allié malgré lui. Le choc passé, le conteur s'assit avec peine et reprit son souffle, le poignet légèrement éraflé car n'ayant pu se rattraper à cause de la gourde gardée pendant tout ce temps entre les mains. Néanmoins pour ne plus être une gêne pour son acolyte, celui-ci préféra taire sa blessure superficielle et leva son regard neutre en direction de celui qui s'était déjà relevé depuis un bon moment.

« - Il s'est enfui... désolé. »

Articula-t-il tout simplement avant de se relever à son tour, tout aussi trempé que l'homme aux cheveux couleur pêche à ses cotés. Les voilà en magnifique position, eux qui devaient veiller sur le samouraï avaient lamentablement échoués. Pourtant s'il s'était excusé, le conteur ne sembla pas plus concerné que cela face à ce qui venait de leur arriver. Il lâcha tout de même un soupir avant de retourner vers la berge – non sans difficulté à cause de sa longue tunique devenue désormais une lourde entrave à ses mouvements – afin d'évaluer la situation.

Près de la berge, il y déposa alors la gourde afin de pouvoir essorer au mieux ses cheveux puis ses vêtements mais il savait pertinemment qu'il faudrait sécher tout cela au plus vite. Malheureusement pour lui, son poignet endolori ne lui facilitait pas la tâche mais ses longues manches et ses gants permettaient au moins de cacher la cause de toutes ses peines. Il s'en occuperait plus tard... s'il y repensait.

« - Peut-être devrait-on le rattraper afin de s'assurer qu'il ne s'attaque pas à une autre personne ou devrait-on tout simplement attendre qu'il revienne chercher son katana ? »

Car même si l'autre avait fuit, le conteur savait qu'il n'hésiterait pas à récupérer son bien lorsqu'il jugerait que le duo aurait sa garde baissée. Mais il y avait aussi le risque qu'il ne veuille s'en prendre à des jeunes femmes, lui qui y semblait si friand. Fort heureusement, ils étaient plus ou moins à l'écart du village et il aurait plus de chances de tomber sur des chasseurs ou des villageois que de jeunes dames. Tout en se tournant vers Kiseki, il attendit sa décision.

Halloween